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Carole Fraresso. Créatrice de savoir-faire


Photo: Guillermo Vilcherrez.


INTERVIEW PAR WOMEN SIDE

Carole FRARESSO / Fondatrice de la maison Motché Paris-Lima.


Pouvez-vous vous présenter en quelques mots, quel est votre parcours?

Directrice artistique de la maison de joaillerie Motché, je suis archéométallurgiste de formation : une archéologue spécialisée dans l’étude des pratiques métallurgiques des sociétés anciennes.

Licenciée en Histoire de l’art et Archéologie de l’université Michel de Montaigne de Bordeaux, j’ai intégré l’Institut Français d’Études Andines de Lima en tant que chercheur, en 2002. Cela a été pour moi l’occasion formidable de pouvoir mener in situ mes recherches de doctorat sur les parures de la grande culture péruvienne Mochica (aussi appelée ‘Moché’, 100-850 apr. J-C).

J’ai consacré 5 années à l’étude des parures précolombiennes des sociétés de l’ancien Pérou. Examiner, toucher et étudier les grandes collections archéologiques à travers le monde, comme celles du Musée Larco ou du Metropolitan Museum de New-York et m’imprégner - aux premières loges - des joyaux découverts dans les tombes royales mochicas, m’ont ouvert de nouvelles perspectives, plus concrètes : faire revivre une joaillerie millénaire.

Titulaire d’un Doctorat en Archéomatériaux depuis 2007, j’ai quitté la France en 2009 pour entreprendre au Pérou un nouveau projet par l’approche expérimentale. J’avais en tête d’appliquer les résultats de mes recherches pour concevoir des bijoux inspirés des codes traditionnels – esthétiques et techniques - de la joaillerie précolombienne.

En 2010, j’ai fondé la maison Motché Paris-Lima avec une équipe de 3 collaborateurs ; Motché est aussi une histoire de rencontres et de talents. En 2011, Motché présentait sa première collection exclusive de bijoux pour le Musée Larco de Lima. Suivront des collaborations le Musée d’Ethnographie de Genève (2015) et le Musée des Amériques d’Auch (2018).


Pourquoi avez-vous choisi de faire un doctorat en archéométallurgie?

Par passion et curiosité. J’ai toujours été très attirée par les civilisations précolombiennes et la grande diversité des traditions en Amérique latine. Le Pérou est doté d’une longue et fascinante tradition joaillière. Elle est paradoxalement mal connue. C’est pourquoi j’ai choisi de me spécialiser dans le domaine de l’orfèvrerie andine.

Le métal de part ses propriétés (ou qualités) physico-chimiques particulières est mon matériau de prédilection. Il sonne, tinte, brille. Il peut être moulé et/ou déformé. Il est malléable et ductile ou au contraire dur et résistant. Les alliages permettent d’obtenir une vaste gamme de couleurs… et c’est un matériau recyclable. Les artisans du passé, par choix technique ou culturel, savaient utiliser ces différentes propriétés pour créer des objets aux fonctions diverses. Au-delà de la découverte archéologique, je souhaitais mener des enquêtes technologiques pour tenter de retrouver les gestes et les modes de penser de ces designers d’un autre temps.

C’est la raison pour laquelle j’ai intégré le Laboratoire de Recherche sur les Archéomatériaux de l’université de Bordeaux (CRP2A-UMR5060 / CNRS), où j’ai été formé aux méthodes de la Science des Matériaux.


Vous êtes l’une des dernières personnes au monde à savoir maîtriser les techniques anciennes de fabrication de bijoux précolombiens péruviens, pensez-vous que ce savoir-faire sera bientôt définitivement perdu?

Oui, c’est vrai ! Le savoir-faire de la maison Motché est unique au monde. Il a aussi une identité propre qui se traduit par la remarquable légèreté des bijoux Motché. Toutes nos créations sont élaborées à partir de fines feuilles d’or ou d’argent, inférieures à 1 millimètre d’épaisseur, qui permettent de combiner des dimensions parfois imposantes à une grande mobilité des formes.

Certains gestes sont indéniablement perdus, d’autres sont sur le point de disparaître. C’est 30 dernières années, la